Attention : espèce en voie de disparition.
De moins en moins de joueurs peuvent être qualifiés d'attaquants. La faute à l'évolution démente du jeu de fond de court, démente dans le sens d'une augmentation de la puissance des coups et des capacités physiques des joueurs, dit-on. Car on pourrait imaginer que de tels bourrins de la ligne de fond créent à leur tour des monstres capables de leur résister. L'attaquant Federer a engendré la bête Nadal et maintenant, quel réponse le tennis va-t-il nous apporter?
L'attaquant, qu'il monte ou non au filet, se révèle dans sa relation au risque, au hasard, à la force et à la chance. Tandis que le rameur a pour objectif de remettre la balle dans le court une fois de plus que vous, l'attaquant n'attend pas que vous commettiez la faute, au contraire il choisit d'exécuter un coup plus risqué que les frappes habituelles de "remise" : un coup d'attaque. Soit il fait mouche, soit il rate. L'attaquant accepte de rater. Sur un match, Michael Llodra va se faire passer 5, 10, 15 fois par son adversaire, mais il continuera à jouer en se disant qu'il lui suffit de faire 6, 11, 16 volées gagnantes pour que son choix d'attaquer tienne le coup.
C'est là que l'attaquant séduit : il choisit. La faculté qu'il a de supporter l'échec dénote une force mentale, une virilité inconnue des joueurs plus prudents (rien de sexiste dans ce type de "virilité". Voyez-y plutôt l'aptitude d'un corps à se projeter dans la matière). Un certain rapport à la chance... une distanciation amoureuse... quels coups vais-je tenter? Comment faire le point entre 3 frappes de balle? S'avancer dans le court, anticiper, prendre la balle plus tôt, couper les trajectoires, suivre le bon coup au filet, foncer vers l'avant, intercepter et surprendre l'adversaire, et vous-même, parfois, avec la séquence inédite qui s'est déclenchée.
Vous l'aurez compris : un match avec un attaquant est moins ennuyeux que les autres. Il y a même de quoi découvrir des coups que vous n'avez jamais vus avant. Des demi-volées d'orfèvre, des smashs de revers sautés, des amorties, des glissades, des plongeons, des chutes, des cris, des rires... du jeu, quoi.