jeudi 2 juin 2011

Trajectoires : attaquant contre rameur



Federer-Monfils, Roland Garros 2009, 2010 et 2011 : trois exemples en un, trois façons de voir l'opposition de style la plus classique du tennis, si ce n'est qu'ici - c'est d'époque -, l'attaquant ne monte quasiment jamais au filet. 
Que c'est beau, un attaquant. Ou Federer exclusivement. Quels réflexes, quelle nature, et cette façon de plonger vers l'avant... Prise de balle précoce, jeu de jambes proustien, oeil de lynx, anticipation digne d'un yoga de violence, toutes ces qualités l'attaquant les cultive dans le but de gagner le point. Il fait le choix de ne plus dépendre de l'adversaire en prenant l'initiative de l'échange. Acceptation totale du jeu. Naissance du jongleur. Cosa mentale
Les habitudes que prend un joueur dès les premières années d'entraînement et de compétition sont décisives. C'est toute sa nature, son caractère et son tempérament, qui rejaillissent dans son jeu. Les habitudes acquises tôt ne se défont pas du jour au lendemain. Ainsi, Gaël Monfils aura beau répéter il faut que je sois plus agressif, je vais être plus agressif, il ne ne l'est pas. Gouffre entre le dire et le faire. Ce qui pourrait causer la métamorphose de Monfils en attaquant, c'est d'arrêter le tennis, un, deux, trois ans, et de soudain reprendre une raquette pour constater que sa manière de jouer a changé comme sa manière de vivre.
Ou bien il faudrait que Monfils vive un match electrochoc, un match "référence", comme on dit dans le jargon IIIème Reich de la performance sportive. Un combat de titan en Coupe Davis, un cinquième set sur le court central de Roland Garros... pourtant, c'est un peu comme s'il les avait déjà eus, tous ces frissons, n'est-ce pas?

Sur le terrain l'opposition de style a tourné court. Federer s'est emparé du jeu comme si c'était la robe d'une fille. Monfils a reculé. La défense se pratique au tennis comme au football américain, comme au rugby : en avançant. C'est pour ça qu'un Nadal des grands jours est le meilleur défenseur du monde. Le vrai défenseur attaque la balle, en vrai disciple de Wittgenstein et du Tao. Il n'attend pas la faute de l'autre mais s'applique à étouffer celui-ci un peu plus à chaque frappe. Monfils, lui, a reculé, pris la balle tard et attendu. 
C'est pourquoi la classe de Federer s'est vue. Il ne quitte pas sa ligne de fond et continue d'avancer après chaque coup, toujours prêt à bondir au filet pour conclure. Il offre au public des milliers d'aventures.